Le spleen de Charles Baudelaire

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 (©Agate France )

Nous nous plaignons mais il y a eu pire, il y a eu Charles Baudelaire : le poète maudit…

Spleen

La cloche fêlée

Il est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume,

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente !

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts,
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal.

LXXVIII – Spleen

Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle
Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis,
Et que de l’horizon embrassant tout le cercle
Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide,
Où l’Espérance, comme une chauve-souris,
S’en va battant les murs de son aile timide
Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;

Quand la pluie étalant ses immenses traînées
D’une vaste prison imite les barreaux,
Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées
Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,

Des cloches tout à coup sautent avec furie
Et lancent vers le ciel un affreux hurlement,
Ainsi que des esprits errants et sans patrie
Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

– Et de longs corbillards, sans tambours ni musique,
Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir,
Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal.

« Ce que je sens, c’est un immense découragement, une sensation d’isolement insupportable, une peur perpétuelle d’un malheur vrai, une défiance complète de mes forces, une absence totale de désir, une impossibilité de trouver un amusement quelconque… Je me demande sans cesse à quoi bon ceci ? A quoi bon cela ? C’est là le véritable esprit de spleen… ».

Condamné!

Lorsqu’il écrit cette lettre à sa mère, en 1857, Charles Baudelaire a 36 ans. Son recueil de poèmes Les Fleurs du mal, paru depuis deux mois, vient d’être condamné par la justice pour outrage à la morale publique. Déjà surendetté, le poète doit verser une amende de 300 francs, six poèmes sont censurés, son ouvrage est retiré des ventes.

« Vos Fleurs du Mal rayonnent et éblouissent comme des étoiles. Je crie bravo de toutes mes forces à votre vigoureux esprit. »

Victor Hugo

Finalement, l’amende sera ramenée à 50 francs, c’est déjà ça. Par contre la censure ne sera levée qu’en 1949. Baudelaire ne connaîtra qu’un succès d’estime dans le milieu artistique de son époque. Conscient de son talent et de sa modernité, il ne comprendra jamais ce manque de reconnaissance et en gardera, jusqu’à sa mort, 10 ans plus tard, une grande amertume.

Plus qu’incompris, le poète se croyait maudit. Il faut bien dire, comme le raconte Jean Teulé avec beaucoup d’humour, dans son dernier ouvrage Crénom, Baudelaire !, que l’artiste hypersensible, ingérable et provocateur a eu une existence des plus romanesques.

Jean Teulé – Crénom, Baudelaire !

Crénom, Baudelaire de Jean Teulé aux éditions Mialet Barrault, paru le 4 septembre 2020.

Trahi !

La première grande tragédie pour Baudelaire n’est pas, comme on pourrait le penser, le décès de son père, alors qu’il est âgé de 6 ans, mais le remariage de sa mère dix-neuf mois plus tard avec le Commandant Jacques Aupick. Très attaché à sa mère, il vit cette union comme une trahison et détestera son beau-père, allant jusqu’à inciter les insurgés à l’assassiner lors de la révolution de 1848.

– Il faut entrer dans l’école polytechnique pour y fusiller le général Aupick !…

Crénom, Baudelaire ! p124, Jean Teulé

Très remonté, Charles Baudelaire entretiendra des relations houleuses et explosives avec sa famille et ses proches, notamment ses maîtresses, tout au long de sa vie. Bac en poche, il est envoyé se calmer, par son beau-père, sur un bateau à destination des Indes. A mi-parcours, après avoir essuyé un typhon et goûté brièvement au charme de la Réunion, Charles fait demi-tour et rentre à Paris.

L’albatros

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

À une dame créole

Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu, sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud ; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés ;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d’orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l’abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

Libre

Désormais majeur, mais pas vraiment calmé, il s’installe à Paris et compte bien profiter de sa liberté. Ça commence mal avec une blennorragie puis une syphilis transmise par Jeanne Duval, actrice et prostituée métisse qui deviendra sa muse, sa compagne, sa « Vénus Noire ». Cette liaison n’empêchera pas le poète de fréquenter assidûment les maisons closes, de s’éprendre de Marie Daubrun en 1847 et de Mme Sabatier en 1852. À défaut d’être fidèle, Charles n’est pas rancunier !

Le serpent qui danse

Que j’aime voir, chère indolente,
De ton corps si beau,
Comme une étoffe vacillante,
Miroiter la peau !

Sur ta chevelure profonde
Aux âcres parfums,
Mer odorante et vagabonde
Aux flots bleus et bruns,

Comme un navire qui s’éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain.

Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d’amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L’or avec le fer.

A te voir marcher en cadence,
Belle d’abandon,
On dirait un serpent qui danse
Au bout d’un bâton.

Sous le fardeau de ta paresse
Ta tête d’enfant
Se balance avec la mollesse
D’un jeune éléphant,

Et ton corps se penche et s’allonge
Comme un fin vaisseau
Qui roule bord sur bord et plonge
Ses vergues dans l’eau.

Comme un flot grossi par la fonte
Des glaciers grondants,
Quand l’eau de ta bouche remonte
Au bord de tes dents,

Je crois boire un vin de Bohême,
Amer et vainqueur,
Un ciel liquide qui parsème
D’étoiles mon cœur !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

XXIII Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle

Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle,
Femme impure ! L’ennui rend ton âme cruelle.
Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,
Il te faut chaque jour un cœur au râtelier.
Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiques
Et des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,
Usent insolemment d’un pouvoir emprunté,
Sans connaître jamais la loi de leur beauté.

Machine aveugle et sourde, en cruautés fécondes !
Salutaire instrument, buveur du sang du monde,
Comment n’as-tu pas honte et comment n’as-tu pas
Devant tous les miroirs vu pâlir tes appas ?
La grandeur de ce mal où tu te crois savante
Ne t’a donc jamais fait reculer d’épouvante,
Quand la nature, grande en ses desseins cachés,
De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,
– De toi, vil animal, – pour pétrir un génie ?

Ô fangeuse grandeur ! Sublime ignominie !

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal

Dandy parisien dans toute sa splendeur, flambeur, le jeune Baudelaire dépense sans compter. Très coquet, il se fait faire de nombreux costumes sur mesure. Il achète plus de meubles que ne peut en contenir son logement. Il couvre de cadeaux sa maîtresse et fréquente avec elle tous les lieux festifs de la capitale. En 18 mois, il dépense la moitié de son héritage, contracte des dettes et hypothèque un terrain qu’il possède en Normandie.

Les bijoux

La très chère était nue, et, connaissant mon cœur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores,
Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur
Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures.

Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur,
Ce monde rayonnant de métal et de pierre
Me ravit en extase, et j’aime à la fureur
Les choses où le son se mêle à la lumière.

Elle était donc couchée et se laissait aimer,
Et du haut du divan elle souriait d’aise
A mon amour profond et doux comme la mer,
Qui vers elle montait comme vers sa falaise.

Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté,
D’un air vague et rêveur elle essayait des poses,
Et la candeur unie à la lubricité
Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ;

Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne,
Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ;
Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne,

S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal,
Pour troubler le repos où mon âme était mise,
Et pour la déranger du rocher de cristal
Où, calme et solitaire, elle s’était assise.

Je croyais voir unis par un nouveau dessin
Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe,
Tant sa taille faisait ressortir son bassin.
Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe !

Et la lampe s’étant résignée à mourir,
Comme le foyer seul illuminait la chambre,
Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir,
Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre !

Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

Une vie dissolue

Une vie dissolue, une maîtresse actrice et noire avec qui il s’affiche dans le tout Paris, des dettes… Ç’en est trop pour Mr et Mme Aupick. Ils font placer Charles sous tutelle financière. Le 21 septembre 1844, Maître Ancelle, notaire de la famille, est officiellement désigné comme conseil judiciaire. Il lui verse une pension mensuelle de 200 francs. Charles doit désormais lui rendre compte de ses faits et gestes. Désemparé, le jeune poète se sent humilié…

«Je suis comme le roi d’un pays pluvieux,
Riche, mais impuissant, jeune et pourtant très vieux»

LXI – Spleen – extrait – Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

Pourtant, à 23 ans, Charles est un jeune homme brillant, cultivé, intelligent et déterminé. Il commence sa carrière littéraire comme critique d’art, fréquente assidûment les milieux littéraires, se lance dans la traduction de l’œuvre d’Edgar Allan Poe, écrivain qu’il admire beaucoup, et travaille « avec fureur et patience »(*), à la rédaction d’un recueil de 100 poésies : Les Fleurs du mal.

(*)  Lettre de Baudelaire à sa mère, le 9 juillet 1857.

Déterminé

Et rien, ni la précarité, ni la maladie, ne détourneront le poète de son objectif : faire des Fleurs du mal un chef-d’œuvre poétique où la beauté l’emporte sur la laideur et le conformisme. Et pour cela, Baudelaire choisit d’affronter et de transcender ses contradictions et ses angoisses. Il est le premier à faire le choix déconcertant du poète maudit, accablé par le spleen, interpellant Dieu et les hommes. La poésie moderne est née.

Au lecteur (extrait)

– Hypocrite lecteur, – mon semblable, – mon frère !

Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

Le Reniement de saint Pierre (extrait)

Qu’est-ce que Dieu fait donc de ce flot d’anathèmes
Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins ?
Comme un tyran gorgé de viande et de vins,
Il s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.

Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

Bénédiction (extrait)

Lorsque, par un décret des puissances suprêmes,
Le Poète apparaît en ce monde ennuyé,
Sa mère épouvantée et pleine de blasphèmes
Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en pitié

Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

L’homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;
Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur
Se distrait quelquefois de sa propre rumeur
Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :
Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;
Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,
Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables
Que vous vous combattez sans pitié ni remord,
Tellement vous aimez le carnage et la mort,
Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire,  Les Fleurs du mal

Les Fleurs du Mal

Le 21 juin 1857, la première édition des Fleurs du mal est éditée à 1300 exemplaires. Charles y a mis toute son énergie et tout son talent.

Peinture d’Alain Parodi

Rongé par la syphilis, il est dépendant de substances toxiques et commence à boire plus que de raison. Sa relation mouvementée avec Jeanne Duval ne va pas vers l’apaisement. Le général Aupick, son beau-père exécré est mort depuis un an mais l’incompréhension perdure avec sa mère. Elle refuse catégoriquement l’exemplaire qu’il veut lui offrir.

Le procès n’est pas pour déplaire à Baudelaire qui aime la provocation et y voit un bon outil de promotion. En revanche, la condamnation et surtout la censure de six poèmes le désolent. En 1861 paraît une seconde édition augmentée de trente-cinq nouveaux poèmes.

Les Fleurs du mal, c’est le regard lucide et poétique d’un homme hypersensible sur un monde en pleine mutation (révolution industrielle, chantiers Haussmanniens). Un regard complexe, ambivalent, provocant, révolté, concerné, libre, sans concession, mélancolique, parfois brutal et subversif mais jamais méprisant et toujours plein d’humanité.

« Ne méprisez la sensibilité de personne ; la sensibilité de chacun, c’est son génie »

Charles Baudelaire

À une passante

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d’une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son œil, ciel livide où germe l’ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair… puis la nuit ! – Fugitive beauté
Dont le regard m’a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l’éternité ?

Ailleurs, bien loin d’ici ! Trop tard ! Jamais peut-être !
Car j’ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !

Baudelaire Les Fleurs du mal

À une mendiante rousse (extraits)

Blanche fille aux cheveux roux,
Dont la robe par ses trous
Laisse voir la pauvreté
Et la beauté,

Pour moi, poète chétif,
Ton jeune corps maladif,
Plein de taches de rousseur,
À sa douceur.

(…)

Va donc ! Sans autre ornement,
Parfum, perles, diamant,
Que ta maigre nudité,
Ô ma beauté !

Baudelaire Les Fleurs du mal

Les années passent. En 1861, il présente sa candidature à l’Académie française puis décide de la retirer. Jeanne Duval le quitte. Atteinte de complications neurologiques liées à la syphilis, elle devient hémiplégique du côté gauche. Baudelaire l’aide autant qu’il le peut.

Si vous la rencontrez, bizarrement parée,
Se faufilant, au coin d’une rue égarée,
Et la tête et l’œil bas, comme un pigeon blessé,
Traînant dans les ruisseaux un talon déchaussé,

Messieurs, ne crachez pas de jurons ni d’ordure
Au visage fardé de cette pauvre impure
Que déesse Famine a, par un soir d’hiver,
Contrainte à relever ses jupons en plein air.

Cette bohême-là, c’est mon tout, ma richesse,
Ma perle, mon bijou, ma reine, ma duchesse,
Celle qui m’a bercé sur son giron vainqueur,
Et qui dans ses deux mains a réchauffé mon cœur.

Charles Baudelaire, œuvres posthumes

En 1864, il se rend en Belgique pour fuir ses créanciers (alors qu’il a plein d’argent sur son compte!). En 1866, il supervise la troisième édition des Fleurs du mal enrichie de 23 poèmes dont les 6 censurés en France.

Quand il est mort le poète…

La même année, atteint des mêmes complications que Jeanne Duval, il perd connaissance en visitant une église à Namur (Belgique). Il reste aphasique et hémiplégique du côté droit. En juillet 1866, on le ramène à Paris. Il meurt à 46 ans, le 31 août 1867.

L’horloge

Horloge ! Dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit :  » Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d’effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible,

Le plaisir vaporeux fuira vers l’horizon
Ainsi qu’une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! – Rapide, avec sa voix
D’insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j’ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortelles folâtres, sont des gangues
Qu’il ne faut pas lâcher sans en extraire l’or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! C’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l’heure où le divin Hasard,
Où l’auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !),
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! Il est trop tard !

Charles Baudelaire, Les fleurs du mal

« J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans. »

Charles Baudelaire – Les Fleurs du mal

Il est enterré au cimetière Montparnasse. Le jeune Paul Verlaine, Berlioz, Edouard Manet, Courbet, Théophile Gautier, les frères Goncourt et le photographe Nadar sont là. Pendant la cérémonie, le ciel s’obscurcit, un orage violent éclate, le tonnerre gronde, les éclairs claquent, des trombes d’eau s’abattent sur le cortège et sur le cercueil. Baudelaire quitte ce monde…

L’Étranger

— Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis ? ton père, ta mère, ta sœur ou ton frère ?
— Je n’ai ni père, ni mère, ni sœur, ni frère.
— Tes amis ?
— Vous vous servez là d’une parole dont le sens m’est resté jusqu’à ce jour inconnu.
— Ta patrie ?
— J’ignore sous quelle latitude elle est située.
— La beauté ?
— Je l’aimerais volontiers, déesse et immortelle.
— L’or ?
— Je le hais comme vous haïssez Dieu.
— Eh ! qu’aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
— J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !

Charles Baudelaire, Petits poèmes en prose

Il est inhumé dans le caveau où, ironie du sort, repose son beau-père détesté, le général Aupick, et où sa mère le rejoindra quatre ans plus tard.

Aujourd’hui encore, Charles Baudelaire a mauvaise réputation : celle d’un dandy dépravé, drogué, alcoolique, dépressif et subversif. Il fut sûrement tout cela et peut-être pire…
Mais on lui pardonne tout parce que Charles Baudelaire est d’abord et pour toujours le poète des Fleurs du mal.

Pour Antoine Vernet, mon père.

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Sources

  • Crénom, Baudelaire ! de Jean Teulé aux éditions Mialet Barrault
  • Charles Baudelaire Les fleurs du mal, texte intégral aux éditions Hatier
  • Philofrançais.fr : Ce qu’il faut savoir sur Les Fleurs du Mal et Spleen de Paris
  • Wikipédia : Charles Baudelaire – Jeanne Duval – Les Fleurs du Mal – Le spleen
La source philofrançais.fr wikipédia
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4 commentaires
  1. Lisa dit

    👍💖

    1. Marie-Anne Vernet dit

      merki !

  2. Carole dit

    Encore un très bel article Marie Anne, 😊, très joliement illustré par de magnifiques et parfois oubliés texte de Baudelaire…
    Merci 😊

    1. Marie-Anne Vernet dit

      Oui, il écrit pas mal ce Charles B, tu as vu j’ai trouvé un bon peintre pour illustrer les fleurs du mal…

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