Gainsbourg rentre à la maison sur un air de Jazz

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Serge Gainsbourg, le musicien intemporel et universel, nous invite aujourd’hui dans sa maison de la rue de Verneuil. Au même moment, Jonathan Orland et Daniel Zimmermann nous convient dans son univers jazz. Et moi, je suis venue vous dire que Serge Gainsbourg habite le blog de Marie-Anne…

Serge Gainsbourg entouré de deux Jazzmen talentueux : Jonathan Orland au Saxophone et de Daniel Zimmermann au trombone.

La maison Gainsbourg

Il faut réserver longtemps à l’avance mais visiblement, ça en vaut le coup. Déjà devenu un des lieux parisiens à ne pas rater, la Maison Gainsbourg est désormais accessible au public. Alors, ouvrons la porte et entrons chez Serge Gainsbourg…

La porte d'entrée de la Maison Gainsbourg
© Alexis Raimbault pour la Maison Gainsbourg, 2023 (détail)

Un dernier petit trou

C’est à Paris, au 5 bis rue de Verneuil, le 2 mars 1991, que le cœur de Serge Gainsgourg s’est définitivement arrêté de battre. L’artiste était seul, dans son hôtel particulier du 7ème arrondissement.

Sa compagne, inquiète de ne pas réussir à le joindre, appelle les pompiers. Serge est bien chez lui. Bambou est là, dans la nuit, bientôt rejointe par Charlotte, lorsque les pompiers trouvent son corps nu, sans vie, gisant par terre, sur le sol de sa chambre.

Une 5ème crise cardiaque aura finalement eu raison du génial trublion avant-gardiste de la chanson Française du XXème siècle.

Y a d’quoi devenir dingue, De quoi prendre un flingue,
S’faire un trou, un petit trou, un dernier petit trou,
Un petit trou, un petit trou, un dernier petit trou,
Et on m’mettra dans un grand trou,
Et j’n’entendrai plus parler d’trou, plus jamais d’trou…
(Extrait des paroles de Le Poinçonneur des Lilas)

Je suis venu te dire que je m’en vais

La façade de la Maison Gainsbourg
© Alexis Raimbault pour la Maison Gainsbourg, 2023

Son décès est annoncé par l’AFP* à minuit trente-cinq. Sa disparition n’étonne pas vraiment. Il n’avait que 62 ans mais en paraissait beaucoup plus. Son départ est plus un choc, une émotion, pour les centaines de fans venus lui rendre une dernière visite.
Au petit matin, silencieux, un bouquet de fleur à la main, ils laissent un petit mot sur la façade blanche de la maison déjà pleine de graffitis.**

Rue de Verneuil, pas de scènes d’hystérie, pas de sanglots, pas de portraits brandis. Plutôt une résignation devant cette mort annoncée depuis longtemps par Gainsbourg lui-même, témoigne un journaliste de l’AFP.** Le 7 mars, après les nombreux hommages des médias, des célébrités et des anonymes, ses obsèques ont lieu, dans la sobriété, au cimetière Montparnasse. La maison Gainsbourg est désormais inhabitée…

Rendre l’âme ? D’accord, mais à qui ?

Serge Gainsbourg

*AFP : Agence France Presse
** La Croix

Comme à la maison

La demeure du chanteur, devenue une des adresses mythiques de la capitale, est donc restée fermée pendant plus de 30 ans. Et puis, après plusieurs années d’attente, voilà que le 20 septembre 2023, la Maison Gainsbourg ouvre ses portes au public. (Uniquement sur réservation)

Charlotte Gainsbourg, pudique et réservée, hésitait à partager les souvenirs intimes de son père. En conservant les lieux en l’état, en faisant face à toutes les difficultés juridiques et économiques, elle fait preuve, en ouvrant les portes de la maison de son enfance, d’une générosité touchante.

Non, ça n’a pas changé, je n’ai rien osé toucher.

Charlotte Gainsgourg dans l’émission Quotidien en 2017
Charlotte Gainsbourg © olivier pacteau
© Olivier Pacteau

Guidé par la voix délicate de Charlotte, casque vissé sur la tête, audioguide accroché autour du cou, chaque visiteur, parcourt, de pièce en pièce, pendant une quarantaine de minutes, les 130 m2 de l’hôtel particulier du 5 bis rue de Verneuil. L’endroit est resté intact. Cette visite immersive, particulièrement saisissante et émouvante, nous plonge dans une déco riche et insolite. L’univers mystérieux, intime, artistique et singulier du fantastique artiste qu’était Serge Gainsbourg se dévoile un peu plus à chaque pièce traversée, à chaque objet observé.

Au final, nous quittons ces lieux, où Jane, Charlotte, Kate, et plus tard Bambou et Lulu, ont également habité, avec l’étrange sensation d’avoir remonté le temps, d’avoir rencontré la famille Gainsbourg, d’avoir un peu touché du doigt la légende Gainsbourg.**

Un musée pour une légende de la musique

Serge Gainsbourg accoudé au comptoir, une cigarette à la main, un café expresso dvant lui

En face, au numéro 14, un musée retraçant la vie et la carrière du célèbre musicien permet de prolonger les découvertes. La visite se termine en ouvrant une ultime porte qui nous ramène au rez-de-chaussée, là où se trouve le fameux Gainsbarre, à la fois café-restaurant, bar à cocktails et piano-bar, inspiré des premières années de la carrière musicale de Serge Gainsbourg*.

Trinquer à Gainsbourg, c’est quand même la moindre des choses avant de partir !

(Source : *Sortir à Paris et **Paris.fr)

Gainsbourg et le jazz

Il se destinait à une carrière d’artiste peintre et c’est pourtant le jazz qui va convaincre Serge et l’amener à la musique.

Aujourd’hui, le monde du jazz reconnaissant et ému, célèbre avec brio le compositeur de La Javanaise.
Deux albums récents, exceptionnels de créativité et de beauté, composés par deux jeunes jazzmen de grand talent, viennent nous replonger dans l’incroyable richesse et dans la stupéfiante modernité de l’œuvre musicale de Gainsbourg…

Quand le jazz est là

Déjà grand admirateur de Boris Vian et de son jazz populaire et joyeux, Serge fait une trouvaille surprenante et déterminante en 1952. Alors qu’il range des vêtements dans son nouvel appartement, il découvre chez lui, au fond d’un placard, une porte donnant sur une salle de concert. C’est là que des groupes de jazz américains viennent enregistrer leurs disques. Serge, fasciné, observe et prend des notes.

Il décide alors, à 26 ans, de délaisser la peinture au profit de la musique. À 30 ans, il brûle toutes ses toiles et tourne le dos à la peinture.

Ainsi, en 1954, il devient crooner aux piano-bars des casinos de villes côtières (comme Le Touquet ou Deauville) et surtout dans des cabarets et caveaux parisiens. C’est dans ces clubs de jazz qu’il découvre son nouveau métier. Si plus tard, il passe d’un genre à l’autre, des yéyés au reggae, en passant par le rock et la pop, le jazz aura toujours une profonde influence sur sa musique.

Le touche-à-tout au caractère bien trempé a complètement chamboulé les codes de la chanson française. C’est désormais à son tour de voir son œuvre revisitée par la nouvelle génération du jazz français...*

(Source : Fnac, Wikipédia, Nostalgie et Radio France et *Jazz radio)

Jonathan Orland joue Gainsbourg au saxophone sur son nouvel album “Sait-on jamais

Le saxophoniste Jonathan Orland a sorti, le 17 novembre 2023, son sixième album intitulé : Sait-on jamais. Il improvise sur 13 mélodies de Gainsbourg, en duo avec le pianiste Jean-Michel Pilc. Nous on sait… C’est étonnant, remarquable et impressionnant.

Retour vers la chanson française

Jonathan Orland voulait fêter, en musique, son retour au pays. Après quatre années passées au Canada, juste avant de rentrer en France, il s’est offert une aventure musicale audacieuse et bien sympathique. Cette escapade musicale d’une demi-journée, dans le Studio Pierre Marchand à Montréal, est le fruit d’une heureuse rencontre avec le pianiste Jean-Michel Pilc (que nous connaissons bien sur le blog).

Jean-Michel Pilc et Jonathan Orland

Les mélodies de l’album Sait-on jamais renvoient à quasiment toutes les époques de la carrière de Serge, avec une prédominance pour les années 60 et 70. Inspirés, les deux compatriotes célèbrent, avec brio, le talent de Gainsbourg. Sans le plagier, ni le délaisser, ils se sont réapproprié sa musique en préservant sa force, sans jamais la maltraiter.

Quelque part au pays de Gainsbourg

Quelques accords bien sonnants de Jean-Michel Pilc au piano et nous voilà partis, avec Melody Nelson, pour une magnifique balade improvisée, d’une petite heure, au rythme du saxophone alto de Jonathan Orland.

Le parcours s’effectue sur des mélodies suffisamment singulières pour pouvoir se passer des paroles. Les notes nous racontent la rencontre époustouflante entre trois artistes. L’improvisation semble immédiatement naturelle, comme toujours avec les grandes pointures du jazz. Les compositions initiales sont réinterprétées de manière très libre, sans contrainte, mais toujours dans l’écoute attentive de l’autre.

Du jazz moderne de haut niveau

La volonté d’innover, l’envie d’inventer et le plaisir de créer nous éloignent souvent des versions originales. La première écoute de Sait-on jamais peut être déconcertante pour ceux qui n’ont pas l’habitude de visiter régulièrement le jazz moderne de qualité, le jazz actuel de haut niveau. Le risque est de se perdre…

Persistez les amis ! Éteignez votre GPS. Focalisez votre attention sur la qualité du dialogue musical, sur la performance technique et artistique des protagonistes.

Au piano, Jean-Michel Pilc est exceptionnel. Improvisateur de grand talent, captivant, il aime prendre les chemins de traverse. Il gagne toujours du terrain. Avec justesse, il choisi la bonne place, utilise le bon volume et le bon tempo. Il nous guide calmement mais sûrement vers la bonne adresse. Mais ça, nous le savions déjà. (Jean-Michel Pilc, un pianiste au jazz captivant.)

De l’art mineur à l’art majeur

Le sax de Jonathan Orland

Jonathan Orland, accompagné de son saxophone alto, nous transporte, en montée, dans les aigus, ou en descente, dans les graves, au bord de l’escarpement, à la limite du vertige.
Je lui ai même demandé s’il utilisait plusieurs sax (ténor et soprano) ! Et non, sur Sait-on jamais, ce n’est que de l’alto. Et bien, il assure dans les graves : c’est impressionnant… Il assure grave !

Sur de nombreux passages, il bouscule affectueusement son instrument à la limite de ses capacités sonores, sans violence mais avec une énergie et une maîtrise technique de folie. Son jeu en est presque déroutant. S’il s’éloigne de la mélodie, il respecte toujours l’empreinte indélébile du compositeur. Jonathan reste, tout au long de Sait-on jamais, un défricheur, un avant-gardiste. Ça ne vous rappelle pas quelqu’un ? 🙂

Gainsbourg chanteur

Depuis que je l’ai rencontrée adolescent, la musique de Serge Gainsbourg m’interpelle par son audace, son côté rebelle et provocant, mais aussi sa poésie et son côté mystérieux. Par-delà les styles musicaux, elle touche à des émotions complexes et souvent contradictoires, elle passe du sophistiqué au trivial mêlant classicisme et avant-gardisme, profondeur et légèreté. C’est une musique riche, palpitante.

Jonathan Orland

Le caractère initial, l’esprit aventureux, novateur et audacieux, le côté mystérieux et déroutant des musiques originales est bien présent. L’âme du compositeur rôde dans les interprétations en binôme de Jonathan Orland et Jean-Michel Pilc. Vous entendez le trio ? Écoutez bien. Relâchez-vous. Arrêtez tout. Laissez-vous toucher par le jeu incroyable des instrumentistes et surtout… ne cherchez plus Gainsbourg : il est là !

Serge Gainsbourg avec guitare et piano
© Roger Kasparian : Serge Gainsbourg avec guitare et piano

Gainsbourg en ligne de mire

Le son boisé, sec et fluide, parfois feutré, de Jonathan Orland, associé à la résonance du piano de Jean-Michel Pilc, nous offre 13 improvisations magnifiques sur des thèmes variés et vallonnés du génial Gainsbourg. Parfois proches, parfois éloignés, les univers du jazz contemporain et de l’homme à tête de chou se rejoignent parfaitement sur l’album. En se perdant dans l’univers de Gainsbourg, les personnalités des deux musiciens ressortent avec éclat.*
Plus j’écoute, plus je découvre des paysages, plus j’entends de nouvelles sonorités, plus j’aime…

*(Paris Jazz club)

Jonathan Orland sur le net

Daniel Zimmermann met son trombone au service de la musique de Gainsbourg sur l’album “L’homme à tête de chou in Uruguay

Daniel zimmermann
Daniel Zimmermann Montgeron, octobre 2021

À 16 ans, j’ai découvert le Gainsbourg jazz que l’on trouve dans ses cinq premiers albums et en partie dans le sixième, Gainsbourg Percussions (1964). Là, autant que la musique, c’est le personnage qui m’a fait craquer. Son humour, son dandysme faillible si j’ose dire, cette espèce d’élégance, mais avec une telle fragilité, visible, à fleur de peau… Je trouve touchant le mélange de tout cela.

Daniel Zimmermann sur France info Culture

En novembre 2022, Daniel Zimmermann, l’homme au trombone, rend un superbe hommage à Serge Gainsbourg, l’homme à tête de chou.

Un tromboniste de premier plan

l'homme à la tête de chou in Uruguay

Fin connaisseur de la chanson française, Daniel Zimmermann a collaboré avec de nombreux artistes dont Claude Nougaro, Jacques Higelin, Bernard Lavilliers, Charles Aznavour ou encore Michel Legrand. Il est le premier tromboniste nommé aux Victoires du Jazz en 2014 suite à la parution de l’album Bone Machine.

Très demandé dans le milieu du jazz, il est aussi l’un des membres historiques du Sacre du tympan aux côtés de Fred Pallem. Fort de son parcours professionnel et de son expérience, il a signé, fin 2022, chez Label Bleu, l’album L’homme à tête de chou in Uruguay, contraction de deux titres de chansons.

Un Quatuor rodé

Le groupe, c’est celui de l’album Montagnes russes de 2016, un album avec lequel j’ai énormément tourné. On s’entend extrêmement bien. Il y a une complémentarité absolument parfaite. (…) On est super rodés, et cet acquis d’une centaine de concerts nous a permis d’enregistrer ce disque.

Daniel Zimmermann sur France info Culture
Erik Truffaz à la trompette
Erik Truffaz

Erik Truffaz en guest star

À la tête de son quatuor, formé avec Julien Charlet à la batterie, Jérôme Regard à la basse et Pierre Durand à la guitare, Daniel Zimmermann dévoile neuf magnifiques variations composées à partir de titres plus ou moins connus de Serge Gainsbourg. Il s’offre même le luxe d’inviter, sur trois titres, l’excellent trompettiste Erik Truffaz. Ce dernier amène son grain de fantaisie et sa patte novatrice à Bonnie and Clyde, la ballade de Melody Nelson et La noyée.

Inspiration et création sous influence

On ne pouvait rêver mieux que le fantastique quartette de ce tromboniste virtuose pour que les chansons cultes du grand Serge soient réinventées avec autant d’intelligence, d’amour et d’émotion.

Frédéric Goaty, rédacteur en chef de Jazz MagazineChoc Jazz Magazine

Les neuf morceaux originaux, datant à peu près des quinze premières années de la carrière de Gainsbourg*, sont parfaitement respectés. Les improvisations célèbrent l’atmosphère fantasque souvent sulfureuse, mais toujours poétique et libertaire de la musique de Gainsbourg. À l’écoute, nous ressentons l’admiration et la proximité artistique de Daniel Zimmermann pour le créateur de Black Trombone.

Émotion, créativité et sincérité

Son plaisir et son implication dans cet exercice de relecture et de création sont manifestes. “J’ai tout fait pour me démarquer de Gainsbourg, en le respectant” explique Daniel sur France Info Culture. L’objectif est plus que réussi. J’ai le sentiment que, où qu’il soit, Gainsbourg écoute en boucle cet album. La sincérité que dégage L’homme à tête de chou in Uruguay est très touchante.

J’ai plus recomposé qu’arrangé.

Daniel Zimmermann sur France info Culture

L’hommage de Daniel Zimmermann à Serge Gainsbourg, lui-même fan de jazz, est inspirant et convaincant. L’émotion est au rendez-vous. J’étais déjà fan de Serge Gainsbourg, maintenant je suis aussi fan de Daniel Zimmermann. Je suis content car je ne savais pas du tout si ça allait marcher*, se réjouit le tromboniste. Nous aussi on est contents ! Un très très bel album…

(Source Hop blog et *France Info Culture)

Le podcast de France Musique : Daniel Zimmermann, le trombone à tête de chou

Émission Open Jazz du 17 novembre 2022

Serge Gainsbourg, une vie d’artiste

Une figure iconique de notre patrimoine culturel

Peintre, poète, interprète, acteur, réalisateur, cinéaste mais surtout compositeur et parolier de génie, Serge Gainsbourg a écrit des centaines de chansons. Un nombre considérable de ses créations sont devenues des standards incontournables de la chanson française. Plus de 30 ans après sa disparition, on ne compte plus le nombre de reprises de ses titres, partout dans le monde.

Iconique : Se dit d’une personne qui incarne un courant, une mode, une époque.

La Javanaise reprise par Khatia Buniatishvili

La Javanaise a été entièrement écrite et composée par Gainsbourg qui a imaginé cette chanson pour la chanteuse Juliette Gréco en 1963. Cette chanson a inspiré de nombreux artistes. Ils ont revisité le titre en y ajoutant un peu de leur propre univers. Vous pouvez découvrir une sélection des meilleures reprises de morceau, devenu culte, sur cette page de Jazz Radio.

C’est comme le parfum de l’amour. (…) C’est une émotion unique”, nous explique Khatia Buniatishvili à propos de La Javanaise. Elle a choisi de l’interpréter sur son album Labyrinth qui fait l’objet d’une page sur notre site.

Pianiste de formation, chanteur à la voix grave presque rauque*, au timbre et au phrasé immédiatement reconnaissable, Gainsbourg a interprété ses textes, en solo ou en duo, sans vraiment les chanter ni tout à fait les parler. Avant-gardiste, remarquable mélodiste, fabuleux parolier, troubadour ou agitateur, élégant ou débraillé, charismatique ou cynique, il a marqué de son empreinte musicale et émotionnelle le 20ème siècle.

*Rauque : Rude et âpre, qui produit des sons voilés.

Le compositeur séducteur

Pendant 35 ans, il a composé, entre autres, pour France Gall, Juliette Gréco, Isabelle Adjani, Vanessa Paradis, Françoise Hardy, Catherine Deneuve et bien sûr pour Charlotte. C’est en créant de véritables bijoux musicaux pour des femmes qu’il s’est fait connaître et reconnaître dans les années 60. Et c’est encore pour deux femmes, Vanessa Paradis et Jane Birkin, qu’il écrira ses deux derniers albums, Variations sur le même t’aime, en 1990 et Amours des feintes, sorti en septembre de cette même année.

Jane, Brigitte, Catherine, Vanessa, Bambou et les autres…

Grand séducteur, il a épousé Elisabeth Levitsky en 1951 et Françoise Pancrazzi en 1964 (dont il aura 2 enfants : Natacha et Paul). Il a séduit Brigitte Bardot, charmé Jane Birkin, la maman de sa fille Charlotte, et il a conquis Caroline von Paulus, plus connue sous le nom de Bambou. Avec cette dernière il a eu un fils : Lucien dit “Lulu”.

Jeux d’enfants, extrait de l’album T’es qui là ?, paroles de Lilou, musique de Lulu Gainsbourg, réalisation de Pierre Folliot et Thomas pour Braut Production : Mood Films Production, danseur et Chorégraphe : Julien Meyzindi.

Charmant, pudique, sensible et cultivé

Pourtant, le sentiment d’être laid et la peur d’être rejeté à cause de son physique “ingrat”, n’ont jamais quitté l’artiste. Celui qui s’est lui-même surnommé L’homme à tête de chou* a rencontré, fréquenté, aimé, épousé, travaillé ou cohabité avec certaines des plus belles femmes de son époque. Comme quoi, entre charme et beauté…

Portrait de Serge Gainsbourg souriant
© BestImage (purepeople)

*L’Homme à tête de chou est le 4ème album de Serge Gainsbourg. Il sort en 1976. Malgré un succès commercial initialement faible, il sera certifié disque d’or sept ans plus tard.

Les controverses

Serge Gainsbourg est reconnu, durant les années 60, comme un auteur, compositeur et interprète de grand talent. La décennie 70 sera, pour lui, celle de la consécration. Quatre albums majeurs voient le jour durant cette période : Histoire de Melody Nelson, Vu de l’extérieur, L’homme à tête de chou et Rock around the bunker.*

*Source : Nostalgie

Adulé et controversé

Gainsbourg ému
© AFP Patrick Kovarik

Régulièrement critiqué à propos de sa vie sentimentale, aussi riche que tumultueuse, l’artiste est décrié par certains, choqués par les paroles ambigües de ses chansons.* Elles sont qualifiées, par ses détracteurs, de troublantes et gênantes, extrêmement sensuelles et érotiques voire même subversives** et sulfureuses***. Gainsbourg dérange.

*Source : Vogue
**Subversif : Qui renverse ou menace l’ordre établi, les valeurs reçues.
***Sulfureux : Qui évoque le démon, l’enfer.

Cynique

Désapprouvé par certains médias pour son attitude de dandy dépensier et désabusé, Gainsbourg, plutôt habitué et amusé par la controverse, se sent pourtant dès le début de sa carrière, blessé et incompris, à l’instar de Baudelaire.

J’ai retourné ma veste le jour où je me suis aperçu qu’elle était doublée de vison.

Serge Gainsbourg

Cynique : Qui exprime sans ménagement des sentiments, des opinions contraires à la morale reçue.

Allons enfants…

La polémique qui entoure la sortie de sa version reggae de notre hymne national, en 1979, ulcère le musicien.
Le 13 décembre 1981, il riposte en achetant aux enchères, à Versailles, le manuscrit original de La Marseillaise.
À Strasbourg, il chante l’hymne national a cappella, le poing tendu, devant des parachutistes venus protester et contraints de se mettre au garde-à-vous.

Gainsbourg le poing levé
Le poing levé

J’ai mis les paras au pas !

Serge Gainsbourg, extrait de l’émission Droit de réponse de Michel Polac

Les soupçons sur son manque de patriotisme sont définitivement levés mais Serge reste profondément meurtri. A cela vient s’ajouter, en 1980, le chagrin de sa séparation d’avec Jane Birkin.

Sombre et tourmenté, souvent caustique, ironique et sarcastique, doté d’une certaine insolence et d’un cynisme assumé, le musicien ne va pas tarder à répondre. Gainsbarre va prendre le dessus. Gainsbourg va partir à la dérive…

© Patrick Siccoli, Serge Gainsbourg en concert au Palace avec ses musiciens jamaïcains à Paris en décembres 1979.

Eh ouais, c’est moi Gainsbarre !

Quand Gainsbarre se bourre, Gainsbourg se barre

Serge Gainsbourg

Ecce Homo, extrait de l’album Mauvaises Nouvelles des étoiles

Et voilà qu’entre en scène le Gainsbourg des années 80. Plus connu sous le nom de Gainsbarre, on trouve pour la première fois sa trace en 1981, dans l’album Mauvaises Nouvelles des étoiles.* Pourtant, nous aurions pu penser que le musicien, déjà victime d’une sérieuse première alerte cardiaque en 1973, allait se calmer. Mais cela aurait était bien mal le connaître !

Pochette de l'album Mauvaises Nouvelles des étoiles de Gainsbourg

Quand Gainsbourg boit à sa santé !

Séducteur, épicurien, à l’image un peu snob, quelque peu hautaine voir méprisante, le compositeur à la personnalité complexe est au sommet de sa notoriété. Il ne compte absolument pas se restreindre. Ce ne sont pas ses problèmes de cœur et de cœurs, ni la dégradation de son foie et autres graves soucis de santé qui vont l’arrêter. En dépit de sa santé chancelante et de ses déboires sentimentaux, celui qui se qualifie d’insoumis continue de brûler la chandelle par les deux bouts*.

gainsbourg, lunettes noires et gitane

*Brûler la chandelle par les deux bouts : gaspiller ; dépenser de toutes les façons possibles, vivre sa vie de manière très intense, ne pas se préoccuper des risques, se dépenser à fond, se fatiguer excessivement (Expressio)

Il y a bien son amour (paternel !) pour Charlotte, sa complicité toujours préservée avec Jane, sa rencontre avec Bambou, la naissance de son fils Lulu et sa passion, toujours intacte pour l’art qui le rattachent à la vie, mais cela ne suffit pas. Sa santé se dégrade, il subit plusieurs opérations fatigantes et fait plusieurs crises cardiaques.** Sa dépression et son alcoolisme progressent.

Sources *Libération, **Elle

Lemon Incest, le duo père/fille ambigu

Parue en 1984 sur l’album Love on the Beat, puis en 1991 sur une réédition de Charlotte for Ever, la musique de Lemon Incest est inspirée de l’étude n°3 en mi majeur opus 10 : “Tristesse”, de Frédéric Chopin.

Le titre anglais de la chanson signifie littéralement “inceste de citron”. Il s’explique par la thématique suggérée de l’inceste. Serge Gainsbourg joue avec les mots : il y a ambivalence entre Incest et zeste (de citron) dans les paroles et le concept du citron comme le fruit défendu.

Délibérément provocants, à l’image de Gainsbarre, les paroles et la vidéo de Lemon Incest créent un véritable scandale. Pourtant, l’auteur dément faire l’apologie de l’inceste. Il affirme ne parler que de l’amour filial et paternel. (Wikipédia)

Le clip est très beau artistiquement mais Gainsbourg ne va-t-il pas trop loin en flirtant ainsi avec l’inceste ? La question reste posée…

“L’amour que nous ne ferons jamais ensemble” (Extrait de la chanson Lemon Incest écrite par Serge Gainsbourg pour sa fille Charlotte)

Serge et Charlotte Gainsbourg
Serge et Charlotte Gainsbourg

Pastis, gitanes et lunettes noires

La timidité c’est transformée en autodérision cynique et destructive. L’élégance a fait place à la débauche et à la vulgarité. C’est le temps des boîtes de nuit, des beuveries, du noctambulisme, de la décrépitude physique.*

Les débordements, les insultes, les provocations et polémiques stériles, les comportements déplacés et autres obscénités extrêmement médiocres s’enchaînent sur les plateaux TV. L’audimat monte, les ventes de billets de concerts et de CD augmentent, le téléspectateur moyen se marre, les proches et les admirateurs de Gainsbourg, eux, ne rient pas du tout…

J’avais beaucoup aimé Gainsbourg, mais j’avais peur de Gainsbarre

Jane Birkin

*Source Wikipédia

Les débordements de Gainsbarre le saoulard

(Source : Vanity Fair)

  • Attitude déplacée à l’égard de Catherine Deneuve qu’il essaye plusieurs fois d’embrasser chez Drucker dans les Rendez-vous du dimanche.
  • Perturbateur et agitateur sur le plateau de l’émission Droit de réponse de Michel Pollac.
  • Échange musclé avec Guy Béart dans Apostrophes, sous le regard gêné de Bernard Pivot. Gainsbourg considère la peinture comme un art majeur et la chanson comme un art mineur : “C’est pas un art mineur, comme les conneries que nous faisons, nous” (les compositeurs et interprètes de chansons, ndlr*).
  • Invité sur le plateau de l’émission Sept sur sept, le 11 mars 1984, estimant qu’il paye trop d’impôts, il brûle un billet de 500 francs : “C’est mon pognon, j’en ai rien à cirer !”
  • Invité sur le plateau du Jeu de la vérité, il signe un chèque de 100 000 francs (15 000 euros) au profit de Médecins Sans Frontières. Il précise qu’il ne faisait pas partie des connards, qui ne sont pas des potes à Renaud, et qui ont gerbé sur ce disque, en parlant de l’enregistrement de la chanson SOS Éthiopie.
  • Très éméché, il assiste à l’arrivée de Whitney Houston, dans l’émission Champs-Elysées. Il ne peut retenir le doux commentaire de “I want to fuck her”, scandalisant la principale intéressée et embarrassant Drucker.
  • Il invective Catherine Ringer sur le plateau de Mon zénith à moi. Après l’avoir traitée de “pute”, il lui lance une salve d’insultes, la menaçant même de lui asséner une claque.

Gainsbarre a tué Gainsbourg pour se venger de l’avoir créé

Charles Trenet

*NDLR : Abréviation de note de la rédaction, qui accompagne une note ajoutée par la rédaction d’un journal à un texte dont elle n’est pas l’auteur. (Larousse)

Finalement, Sous le soleil exactement

Et puis, usé à l’extrême, fatigué et déprimé comme jamais, Serge souhaite se reposer. Il part se ressourcer dans l’Yonne, à Saint-Père-sous-Vézelay.

Les derniers jours en Bourgogne

Logé dans un charmant Moulin, rattaché à un gîte de luxe, l’Espérance (c’est de circonstance !), il bénéficie d’une magnifique vue et apprécie particulièrement la table du chef Marc Meneau.

Il diminue significativement sa consommation d’alcool et se remet à la composition.

Il aime se promener jusqu’à la basilique de Vézelay et discuter avec les habitants. Son fils, Lulu, sa fille, Charlotte, viennent régulièrement lui rendre visite. « Ce ne sont que des bons souvenirs avec Serge, » raconte Françoise, une habitante du village, sur France bleue.

Le soir, il avait sa place au bar, toujours la même. Après le dîner, il se mettait au piano, discutait avec les clients. Il était le copain de toutes les brigades, celle des cuisines de Meneau comme celle de la gendarmerie de Vézelay… (Paris Match)

Accessible, spirituel, amical et cultivé, sa générosité, sa gentillesse, sa simplicité et son humour font l’unanimité à Saint-Père-sous-Vézelay.

Les derniers jours de Gainsbourg
© Marc Meneau / DR / Paris Match

Gainsbarre est mort, vive Gainsbourg !

Requinqué, il rentre à Paris, un nouvel album aux accents de blues dans ses bagages. D’ailleurs, il prévoit de partir dans quelques jours à la Nouvelle-Orléans pour l’enregistrer. Il y aura bien du blues pour Gainsbourg mais pas celui que nous espérions entendre…

Attachant ou horripilant, il ne laissait personne indifférent. Compositeur de génie ou professionnel du plagiat, aujourd’hui encore, tout le monde connaît et fredonne, avec plaisir, ses plus grands succès. Avant-gardiste ou fumiste, il est parti dans la nuit, tout seul, la tête pleine de projets, pleine de musique. Il se trouvait laid mais il nous laisse tant de beauté… Merci Monsieur Gainsbourg.

La playlist : Gainsbourg sur le blog de Marie-Anne

Sur Spotify

Sur Deezer

La Discographie de Gainsbourg

(Source Wikipédia)

La carrière discographique de Serge Gainsbourg s’est étalée sur 33 années.
Elle comprend 17 albums studios, 4 albums live et plus d’une cinquantaine de 45 tours ou CD simples.
Quasiment tous sont sortis sous le label Philips.
Au cours de sa carrière, il a obtenu 12 disques d’or, 5 doubles disques d’or et 6 disques de platine.

De son vivant, il a vendu plus de 6 millions de disques.

  • 1958 : Du chant à la une !
  • 1959 : Serge Gainsbourg N° 2
  • 1961 : L’Étonnant Serge Gainsbourg
  • 1962 : Serge Gainsbourg N° 4
  • 1963 : Gainsbourg Confidentiel
  • 1964 : Gainsbourg Percussions
  • 1968 : Bonnie and Clyde
  • 1968 : Initials B.B.
  • 1969 : Jane Birkin – Serge Gainsbourg
  • 1971 : Histoire de Melody Nelson
  • 1973 : Vu de l’extérieur
  • 1975 : Rock Around the Bunker
  • 1976 : L’Homme à tête de chou
  • 1979 : Aux armes et cætera
  • 1981 : Mauvaises nouvelles des étoiles
  • 1984 : Love on the Beat
  • 1987 : You’re Under Arrest

Les sorties posthumes

  • 2001 : I love Serge
  • 2003 : Aux armes et cætera – Dub Style
  • 2003 : Mauvaises Nouvelles des étoiles – Dub Style
  • 2006 : Gainsbourg… et cætera – Enregistrement public au Théâtre Le Palace
  • 2009 : 1963 Théâtre des Capucines
  • 2015 : Gainsbourg Live
  • Et des dizaines de compilations…
Serge Gainsbourg en 1959
Serge Gainsbourg en 1959 © MAP / RÈunion des MusÈes Nationaux

Sources

Questions fréquemment posées

Quelles sont les origines des différents noms et surnoms de Serge Sainsbourg ?

Lucien Ginsburg naît le 2 avril 1928 à Paris. Il est le fils d’immigrants juifs d’origine russe. (“Je suis né sous une bonne étoile… Jaune.”)
Dès 1954, Lucien Ginsburg dépose ses titres à la SACEM, d’abord sous son nom, puis sous le pseudonyme de Julien Gris en référence à Julien Sorel, le personnage principal du roman de Stendahl le Rouge et le Noir, et le peintre Juan Gris selon Les Inrocks.
En 1957, il il choisi le pseudonyme de Gainsbourg en référence au peintre Thomas Gainsborough. Il abandonne son prénom parce que, selon lui, cela fait coiffeur pour dames. Il trouve que Serge, en revanche, sonne russe. (Radio France) “Gainsbourg et son Gainsborough ont pris le ferry-boat. De leur lit, par le hublot, ils regardent la côte” (Paroles extraites de 69 année érotique)
L’Homme à tête de chou est un album sorti en 1976. L’album tire son titre d’une sculpture de Claude Lalanne acquise par Gainsbourg et présente sur la pochette.
Gainsbourg évoque, pour la première fois, Gainsbarre en 1981 avec la chanson Ecce Homo : “On reconnaît Gainsbarre, à ses jeans, à sa barbe de trois nuits, ses cigares et ses coups de cafard”. Jane Birkin dira de lui : “J’avais beaucoup aimé Gainsbourg, mais j’avais peur de Gainsbarre.”
(Source Wikipédia)
Serge Gainsbourg en col roulé

Quelle chanson écrite pour elle, par Serge Gainsbourg, était la chanson préférée de Jane Birkin ?

Les Dessous chics, de l’album Baby Alone in Babylone, paru en 1983. C’est une chanson de rupture sur la pudeur des sentiments. Jane Birkin aimait parler de cette chanson qu’elle considérait comme sa préférée car pour elle : “tout ce qui est dedans, c’est vraiment lui.”
La mélodie, faite de deux thèmes, porte en elle une évidence. Les paroles sont magnifiques : Les dessous chics, C’est ne rien dévoiler du tout, se dire que lorsqu’on est à bout, c’est tabou…
Serge et Jane un duo pour l'éternité

Quel est le top 5 des meilleures chansons de Gainsbourg pour le blog de Marie-Anne ?

En première place et sans hésitation : L’eau à la bouche
En deuxième : La chanson de Prévert
La troisième place pour Baudelaire
Numéro quatre dans notre top de Gainsbourg : Elisa
Et puisqu’il faut bien faire des choix, la cinquième place est attribuée à… La Javanaise, Sous le soleil exactement, Aux armes et cætera, Couleur café, L’anamour, Black Trombone, Je t’aime moi non plus
La musique de Gainsbourg encore est toujours au top du top

La source La maison gainsbourg Jazz radio France info culture
Via Arts in the city Paris.fr Pure people
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2 commentaires
  1. Ludovic Dubois dit

    Quel bel article Marie-Anne. Détaillé et tellement bien écrit que j’ai été transporter dans ton univers en perdant toute notion du temps. Merci !

    1. Marie-Anne Vernet dit

      Trop contente que ça te plaise… Merci pour ton commentaire.

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