les Fables de La Fontaine dans notre actualité : « Quand la bise fut venue… »

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La Cigale et la Fourmi, sûrement la Fable de La Fontaine la plus connue, est une histoire courte, amusante, touchante, racontée de façon magnifique, facile à retenir et surtout dénuée de toute  morale explicite.

Charles Trenet et Django Reinhardt

La cigale et la fourmi

La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’août, foi d’animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n’est pas prêteuse ;
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
Vous chantiez ? J’en suis fort aise :
Et bien ! Dansez maintenant.

Jean de la fontaine

Réadaptation d’une fable d’Ésope (1), La Cigale et la Fourmi a fait l’objet d’un grand nombre de commentaires. Jean-Jacques Rousseau, par exemple, la considérait comme ambiguë et trop difficile à interpréter. Il déconseillait de l’apprendre aux enfants !

Une lecture attentive peut laisser deviner une certaine bienveillance de Jean de La Fontaine à l’égard de la Cigale. En renvoyant dos à dos l’esprit matérialiste de la fourmi et le comportement bohème de la cigale, il nous suggère une grande sympathie pour cette dernière. (Vive la société de loisirs !)

La Fontaine nous donne à méditer

A contrario, nous pouvons aussi retenir de cette histoire que le travail est toujours récompensé. Au lieu de danser, la fourmi travaille dur. Elle a assez de provisions pour l’hiver, alors que la cigale, qui chante et se prélasse, se retrouve dans une situation compliquée. (Bonjour la société de loisirs !)

« La Fontaine ne prend donc pas explicitement parti entre la prévoyance de la Fourmi et la jouissance du temps présent de la Cigale. Cependant, condamner la Cigale et donc condamner l’art au profit de la vie pratique, n’aurait-ce pas été se condamner lui-même ? » (2)

Pas de morale explicite mais matière à  méditer 350 ans plus tard…

Jean de La Fontaine nous rappelle que la liberté n’existe qu’accompagnée de la responsabilité et que la fraternité commande d’aider son voisin.

La Fontaine ne se limite pas au langage. Ses fables décrivent, par le biais des animaux qu’il fait parler, des comportements humains typiques. Elles abordent des problèmes de société et font réfléchir à des valeurs morales intemporelles. Elles contiennent très souvent une réflexion de bon sens très actuelle.

Ainsi, la lecture de La Cigale et la Fourmi amène à se questionner sur l’épargne, sur la redistribution des richesses, la responsabilité individuelle, la fraternité ou encore l’assistance humanitaire.

La Fontaine en appelle au bons sens

L’analyse critique de cette fable consiste à se poser des questions : la Fourmi doit-elle accepter d’aider la Cigale, ou, au contraire la laisser subir les conséquences de son comportement ? C’est tout le problème de l’assistance humanitaire… (3)

gravure de 1876 de Vibert, la cigale et la fourmi
Gravure – 1876 – La cigale et la fourmi – Tableau de Vibert

Ainsi ces fables sont un tableau où chacun de nous se trouve dépeint.

Jean de La Fontaine
(Préface au lecteur du premier recueil des Fables de La Fontaine)

Aujourd’hui encore, nous admirons le génie dramatique, la narration vive et alerte, pleine de finesse et d’humour des Fables de La Fontaine. Faciles à lire, elles nous entraînent au cœur de ce qui fait notre humanité.

Portrait de La Fontaine – Hyacinthe RIGAUD
Portrait de La Fontaine–Hyacinthe RIGAUD

Jean de La Fontaine (quel joli nom) évitait la censure en faisant parler des animaux. Il leur donnait vie en usant d’ironie, de pitié, de défiance ou de résignation. Tous avaient le goût de la vérité et le besoin du rêve : des animaux très humains !

Les animaux bavards de La Fontaine

« Décrivant une humanité dévorée par une irrépressible envie de pouvoir absolu, La Fontaine a mis en scène, d’une manière brillante, tous les travers de la société. Ses fables appartiennent définitivement, trois siècles plus tard, à l’inconscient collectif »(4)

C’est avec un langage d’une grande beauté et d’une grande richesse, mais aussi et surtout avec beaucoup de tendresse que Jean de la Fontaine a raconté les problèmes des hommes et de la société. En somme, c’est avec bienveillance qu’il a joliment et intelligemment dépeint nos travers…

Ne serait-il pas le premier écrivain des Lumières ?

« Le baiser du vent s’appelle une bise. »

Sylvain Tesson – Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages (Robert Laffont)

Chat de Pallas, Tibet, 2016 - Photo Vincent Munier

Biographie de Jean de La Fontaine

(France culture)

Jean de La Fontaine est né en 1621 à Château-Thierry (Aisne) dans un milieu de fonctionnaires bourgeois. Il est destiné à entrer au séminaire mais s’oriente vers des études de latin puis de droit. Il obtient un diplôme d’avocat en 1649 mais consacre l’essentiel de son temps à fréquenter les milieux lettrés et à écrire lui-même des poèmes et des contes qui rencontrent un certain succès. Son mécène fut un temps le surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, jusqu’à sa disgrâce. Il se place alors en tant que gentilhomme auprès de nobles, cherchant de nouveaux protecteurs. 

Ses premières Fables paraissent en 1668 puis un deuxième recueil est publié dix plus tard, avec toujours du succès. Il parvient à se faire élire à l’Académie française en 1684 et publiera ses dernières Fables en 1693 après avoir connu des échecs dans l’écriture de pièces de théâtre et de livrets d’opéra. Malade, il meurt en 1695.

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La tendresse

Message personnel

Monsieur La Fontaine,

Il n’y a que deux livres que j’ai transportés partout depuis plus de 40 ans, seulement deux livres que j’ai relus des dizaines et des dizaines de fois avec toujours le même plaisir. Il y a Le Petit Prince et Les Fables de La Fontaine.

Sources

  • (1) Ecrivain grec qui aurait vécu entre -570 et -526 et à qui on attribue la paternité de la fable.
  • (3) Contrepoints La Fontaine, poète pédagogue et libéral

Une musique pour accompagner La Fontaine

Fred Pallem et le sacre du tympan racontent les fables de La Fontaine

« Fred Pallem & Le Sacre du Tympan font plus que raconter les Fables de la Fontaine. Leur musique réveille les textes du grand fabuliste qui s’en trouvent sublimés. Avec un brin d’insolence et un zeste d’amusement, les voix des récitants projettent dans le 21ème siècle les mots du 17ème qui demeurent d’une grande actualité. Les oreilles se régalent de ces quatorze titres où mots et musique s’accordent pour le meilleur.
Fred Pallem & Le Sacre du Tympan ont réussi un superbe défi : parer d’un groove très actuel les traditionnelles Fables de la Fontaine. »
(Latins de Jazz…& Cie)

La source wikipedia contrepoint La Poste.fr
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